Cet article est le second d’une série de 5, où je fais part de mes surprises, en tant qu’acteur de la région mais néophyte dans le domaine du tourisme, à la suite du repérage par une enquête en ligne et d’entretiens conduits auprès de professionnels du tourisme, de leurs envies d’innovation touristique.

Alban ROGER

« Ce qui est chouette dans la région,
c’est qu’il y a une énorme richesse de l’offre !
Culture, nature, activité, gastronomie… »

© Alban Roger, Rando Vélo

Ce repérage concourt à la démarche animée par le Comité Régional du Tourisme Centre-Val de Loire de création d’un « écosystème régional d’innovation touristique ».

La rédaction de ces articles vise à nous aider à créer un écosystème qui soit véritablement créateur de valeurs.

Ma première surprise a été l’immense richesse d’offres touristiques de la région : châteaux mondialement connus, châteaux plus confidentiels, la Loire et les autres rivières, sur lesquelles on peut naviguer avec les bateliers ou en canoë, gastronomie, œnologie, vélo, balades équestres, etc.

Cette richesse n’est pas parfaite : tous les territoires ne bénéficient pas d’un flux de touristes qui ruissellerait des sites phares, surtout lorsque l’on s’éloigne de l’axe ligérien. Mais de nombreux professionnels souhaitent faciliter la création de parcours pour donner envie aux touristes de rester plus longtemps ou de revenir visiter ce qu’ils n’ont pas pu voir la première fois.

Une autre surprise liée à la richesse de l’offre touristique est l’envie de l’étoffer plus encore, au moins de trois manières :

  • • En ouvrant de nouveaux patrimoines aux touristes.
  • • En enrichissant les expériences de visites existantes.
  • • En reliant les professionnels entre eux et les expériences entre elles.

L’envie d’ouvrir de nouveaux patrimoines au tourisme

« Mouiller la coque de son bateau en Loire,
c’est le Graal des plaisanciers dans toute l’Europe ! »

© Bertrand Deshayes, Merci La Loire !

Bertrand Deshayes

Les envies :

Un des retours marquants de l’enquête est le nombre et la variété de patrimoines que des professionnels ont envie d’ouvrir au tourisme :

  • • Les sites troglodytiques, spécifiques à la région et qui ont été cités à plusieurs reprises. Dans certains cas, ils ont été reliés à l’histoire de la construction des châteaux (carrières) et à la Loire (transport).
  • • L’accès à la Loire, sur laquelle il y a déjà une activité de batellerie, de canoë et d’exploration nature. Mais il y a l’envie d’en faire encore plus, par exemple en restaurant la connexion de la Loire aux canaux pour l’intégrer à la plaisance européenne ou à la démarche du Parlement de Loire qui s’interroge sur la possibilité de lui donner une personnalité juridique. Il existe également l’idée de repenser les activités en Loire dont la baignade.
  • • L’extension des routes à vélo, en reliant notamment La Loire à Vélo à de nouveaux itinéraires.
  • • L’itinérance équestre avec le développement de la Route européenne d’Artagnan et la création de nouveaux itinéraires.
  • • Les savoir-faire artisanaux, avec des propositions de visites de moulins et autres ateliers traditionnels.
  • • L’ouverture de patrimoines historiques inaccessibles, par des médiations numériques (visites virtuelles) ou autres, soit parce que les sites sont trop fragiles ou parce qu’ils sont trop difficiles d’accès.
  • • Etc.

Il y a aussi l’envie de continuer à développer le tourisme d’affaires, et d’autres motivations touristiques, comme le tourisme e-sport porté par le Cluster Pixel Players.

Un rôle pour l’écosystème d’innovation touristique :

Les envies ne manquent pas. Les attentes qui remontent le plus souvent pour ces projets sont de l’ordre d’un besoin d’implication politique pour des soutiens, des financements et parfois des aménagements mais aussi d’un besoin de mise en relation et d’accompagnement de projets.

Une question se pose quant au rôle que devrait jouer l’écosystème dans l’accompagnement et l’émergence de ces projets. Quelle sera la capacité d’un écosystème de soutenir l’ensemble de ces projets, tout en gardant sa cohérence ? À quelles conditions et de quelle manière ?

Des précédents existent d’ouverture de patrimoines au tourisme tels que La Loire à Vélo, un projet très structurant qui a fortement contribué au développement du cyclotourisme ou le soutien apporté à la batellerie traditionnelle qui a permis la renaissance de cette activité contribuant à l’identité du fleuve et à l’image de la région.

L’envie d’enrichir les expériences de visites déjà existantes

Portrait Livia Avaltroni

« S’il n’est pas une solution à tout,
le numérique permet d’autres formes de découvertes
en complément de la visite réelle : faire renaître des édifices disparus,
voyager dans le temps… »

© Livia Avaltroni, PatMAT

Les envies :

En plus d’ouvrir de nouveaux patrimoines, il y a l’envie d’enrichir les expériences de visites existantes. Voici quelques modalités qui ont été citées :

  • L’utilisation du numérique et/ou du ludique, comme l’envie de visites virtuelles, de jeux de piste, de Cluedo, d’escapes games cités à de nombreuses reprises, et déjà mis en œuvre.
    Le Château de Beaugency que les propriétaires ont transformé en Centre d’art Numérique, qui mêle patrimoine, art numérique, sculptures, et médiation pour les scolaires en est un des exemples les plus poussés.
    De nombreuses offres et envies ont également été citées, dont une visite guidée ludique de Bourges sous forme de jeu de piste, les Histopad que l’on retrouve dans plusieurs châteaux de la région…
    Les objectifs sont de donner envie à un autre public, plus jeune, de venir découvrir ces patrimoines, d’enrichir les médiations et l’expérience de visite pour tout le monde, mais aussi d’améliorer l’accessibilité pour des personnes en situation de handicap. Voire de donner envie à des personnes de venir visiter nos patrimoines, en les leur faisant découvrir par une expérience virtuelle à distance. Dans ce domaine, l’intérêt et le potentiel des métavers interrogent.
    Ces visites numériques et/ou ludiques sont un domaine où la région a des ressources, avec des prestataires qui se structurent, comme les entreprises du cluster Pixel Players dont certains développent la réalité virtuelle et explorent l’application des métavers dans le jeu et le tourisme. Il y a aussi des lieux de créations artistiques comme l’Antre-Peaux à Bourges ou l’ESAD d’Orléans qui explorent ces applications. D’autres acteurs encore explorent le design d’exposition sensoriel, comme Artefacts ou Valesens.
    Cependant, s’il y a une envie de numérique, l’objectif n’est pas de remplacer l’expérience du patrimoine et le contact humain, mais plutôt de l’enrichir : « Mettre les tablettes dans un château c’est intéressant. Mais est-ce que l’humain n’est pas à remettre au cœur de tout ça ? ».
  • Créer une expérience de visite forte et cohérente dès l’entrée dans le site. C’est l’exemple de Chambord qui, à partir de 2013, a mené un travail important d’écoute de ses clients, de remise en question, et de recherche de cohérence pour faire que « dès que l’on met un pied dans le domaine, on vive l’expérience Chambord ». Ce travail va de la signalétique, au choix des produits en boutique, à la sélection des prestataires, la conception des visites…
  • Donner une dimension évènementielle aux expériences de visites pour donner une raison et l’envie de revenir. C’est l’exemple de l’action « Noël au Pays des Châteaux en Touraine », des évènements associés à Halloween, des pique-niques au jardin organisés pendant l’été. D’autres propositions résident dans l’organisation de festivals dans ou en lien avec les sites.
  • Intégrer les sites ou les hébergements à la vie culturelle locale. C’est par exemple le cas du groupe hôtelier Accor, qui ouvre ses hôtels à des évènements associatifs locaux ou à des rencontres dont ses clients peuvent profiter. Ou le fait de faciliter l’accès aux touristes aux concerts, cinéma, théâtre, etc.

Un rôle pour l’écosystème d’innovation touristique :

Les besoins les plus souvent évoqués face à ces envies sont l’organisation d’échanges d’idées et d’expériences entre professionnels, un lab d’expérimentation, de l’accompagnement et de l’ingénierie de projet.

Pour illustrer ces besoins, dans un projet précédent « Le Panorama du Jeu qui Provoque des Choses » qui avait pour objectif de recenser des envies de collaborer sur l’utilisation du jeu au-delà du ludique, un des domaines qui est ressorti était « Le ludique et les technologies du jeu vidéo au service du tourisme expérientiel». Et la proposition principale issue des groupes de travail était : « Créer un cadre pour échanger régulièrement entre professionnels du tourisme, pour expérimenter et pour faire de la recherche et développement » (lien pour Lire ces travaux).

Cependant, dans le cadre du tourisme régional, un questionnement reste lié au fait que le développement de ces expériences de visites, surtout numériques, peut être couteux. Or, de nombreux acteurs du tourisme régional sont des TPE avec comme préoccupation majeure de maintenir leur patrimoine ouvert au public. Ainsi, est-ce que cette démarche d’enrichissement des expériences de visites est accessible à tout le monde ? Doit-elle l’être ? Y a-t-il moyen de la mutualiser ?

L’envie de relier les professionnels pour enrichir les expériences et créer de la curiosité

« Nous avons fait un truc tout bête : un Pass Châteaux
avec 10 autres sites, publics et privés sur 2 régions
et de manière informelle. Et ça fait 10 ans que ça dure ! »

© Bertrand Couly, Domaine Couly

Vincent Couly

Les envies :

En plus de l’envie d’enrichir l’expérience de visite des sites de manière individuelle, il y a aussi celle de mailler les acteurs pour créer des expériences plus riches.

Des expériences qui réunissent plusieurs professionnels ou qui intègrent ces expériences dans des programmations évènementielles ou des parcours ; l’objectif étant de donner envie aux touristes d’explorer d’autres sites ou de revenir.

C’est par exemple simplement lorsqu’un restaurateur travaille en circuits courts et est capable de raconter l’histoire de ses producteurs ou lorsqu’un hébergeur connaît suffisamment l’offre touristique locale pour proposer et conseiller ses clients vers d’autres activités (ce qui demande une connaissance du territoire).

De manière plus élaborée, c’est par exemple l’organisation de programmations collectives comme « L’Automne Gourmand Centre Val de Loire », les « Nouvelles Renaissance[s) » ou l’organisation de thématiques annuelles comme le thème « Eau » définit pour l’année à venir par l’Association Parcs et Jardins en région Centre-Val de Loire. C’est par exemple aussi de proposer des Pass comme celui de l’évènement « NoëlNoël au Pays des Châteaux » en Indre-et-Loire.

Il convient de noter que le manque de Pass à l’échelle régionale a été soulevé à plusieurs reprises lors des entretiens et de l’enquête.

Un rôle pour l’écosystème d’innovation touristique :

Peut-on considérer que la création de ce maillage soit de l’innovation touristique ? Tout dépend de la manière de construire ces collaborations, l’offre et de la manière de la présenter aux touristes.

Mais, c’est sûrement une affaire d’écosystème où le CRT, les ADTs et les Offices de Tourisme jouent déjà un rôle essentiel et reconnu pour réunir les professionnels, les accompagner, faire de l’ingénierie de projets et communiquer.

Même si elles sont très appréciées, un retour des professionnels a cependant été que ces démarches sont parfois trop complexes, ne collent pas à leurs besoins ou sont trop lentes à se déployer par rapport à leurs activités.

Ce sont les « Nouvelles Renaissance[s) » qui ont le plus été critiquées pour cette raison : malgré leur intérêt pour initier des actions, « Personne n’y comprend rien » m’a-t-on dit à plusieurs reprises… Il y a sûrement un enseignement à tirer en termes de méthode pour l’écosystème régional d’innovation touristique en devenir.

Contact : Sophie Martinez Almansa, Responsable Innovation, Territoires et Compétences
s.martinez@centre-valdeloire.org – 07 84 16 03 81

Une faiblesse : le besoin de plus de simplicité pour trouver l’information touristique, réserver et se déplacer [3/5] par Fabien Vidal, Utelias
Des envies d’innovation touristique [1/5] par Fabien Vidal, Utelias