Cette interview a été réalisée dans le cadre d’une démarche lancée par le CRT pour créer avec les acteurs du tourisme un « écosystème d’innovation touristique ». 
Christophe Lunais

Christophe Lunais
Restaurateur et président de Cuisine en Loir-et-Cher

« Est-ce qu’en 2022, retrouver l’humain ce n’est pas ça l’innovation ? »

Christophe Lunais est restaurateur et président de l’association Cuisine en Loir-et-Cher. Et il nous fait part de ses envies de lien, d’humain et de découvertes. Christophe nous emmène dans sa réflexion sur la manière de faire vivre à nos touristes une expérience écoresponsable, riche et facile d’accès, et qui leur donne envie de revenir pour explorer notre diversité. Et peut-être que pour y arriver « Juste réunir tous les acteurs entre secteurs, ce serait déjà beaucoup ! ».


Bonjour, Christophe Lunais, qui êtes-vous ?

Bonjour, je suis restaurateur et, avec Sophie, ma compagne, nous tenons les Closeaux. C’est un restaurant entre Amboise, Chenonceaux et Chaumont-sur-Loire, où nous proposons de la cuisine de saison, réalisée à partir de produits locaux.

Je suis également président de l’association Cuisine en Loir-et-Cher. C’est une association qui réunit 28 restaurateurs et 2 producteurs associés. Ces producteurs nous accompagnent pour faire le lien avec leurs confrères.

Les valeurs de l’association sont la convivialité, le professionnalisme, le cuisiné à la main et l’approvisionnement local. Nous faisons de la restauration de plaisir ! Et nous sommes une association de restaurateurs, pas uniquement de cuisiniers… Ça veut dire que nous incluons la salle et l’accueil.

La plus grosse part de notre clientèle est locale : nous avons besoin de vivre toute l’année. Mais cette clientèle est boostée par le tourisme.

Lorsque c’est vous qui êtes touriste, qu’est-ce que vous aimez ?

Ce que j’aime ? C’est un voyage très nature, découvrir des choses simples, voir ce qu’il se passe dans le lieu où l’on est. Que ce soit facile d’accès, mais qu’il y ait des découvertes. Et bien sûr, j’aime découvrir la nourriture et explorer les marchés !

Quand nous allons à l’étranger, j’aime vivre comme dans le pays, et aller à la rencontre de ce qu’il s’y passe. Lorsque nous sommes allés voir la famille en Floride, nous avons vécu à l’américaine. Ça permet de se rappeler qu’il n’y a pas qu’une seule façon de penser. On sent déjà cette diversité de pensée quand on voyage en France, mais c’est encore plus fort quand on va à l’étranger. Et ça, c’est bien !

Dans votre restaurant ou avec l’association, avez-vous des projets d’innovation touristique ?

Je ne sais pas si ce sont des innovations… Mais nous menons des actions. Avec l’office de tourisme Sud Val de Loire, nous avons organisé une soirée à Beauval. L’office avait invité les professionnels du tourisme, comme les hôtels et les chambres d’hôtes. Nous avions ouvert 150 places, et tout a été réservé en 24 h ! Finalement, nous étions 200.

Il y avait des petits stands, où nous pouvions accueillir tout le monde. C’était un moment d’échange et de partage complètement informel ! C’était sympa, les gens étaient très contents et ça a créé du lien, sans faire de réunion ! Le fait que ça se soit passé à Beauval et que M. Delord (propriétaire du Zoo de Beauval) soit intervenu pour lancer la soirée a été important, car ça a permis de montrer qu’il n’y a pas d’opposition entre les grands et les petits.

Avec les restaurateurs, nous avons travaillé à prix coûtant. Et l’évènement a été financé par l’office de tourisme. Peut-être qu’on pourrait recommencer à plus grande échelle, pour tout le département ? Même si l’on demande 20 € pour l’inscription, il devrait y avoir beaucoup de participants.

Pour ce genre d’actions, nous mesurons l’apport en compétences des institutionnels. D’abord, notre association a été soutenue par la CCI de Loir-et-Cher, ce qui a été important. Un autre exemple, le Conseil Régional et la CCI Centre-Val de Loire ont regroupé tous les évènements culinaires de la région dans « l’Automne Gourmand Centre-Val de Loire ». Ce qui est intéressant, c’est que la démarche réunit les territoires mais en leur laissant leur identité propre. Et les institutionnels nous apportent toutes leurs compétences pour l’organisation. Dans notre département, l’évènement se nomme « la Quinzaine Gourmande en Loir-et-Cher », et c’est l’ADT qui assure la communication, organise des concours sur les réseaux sociaux… Nous ne savons pas faire ça, et c’est une grande plus-value ! C’est une belle démarche, lorsque chacun apporte sa valeur dans son domaine de compétence, avec la possibilité d’avoir des échanges pour faire évoluer le projet.

Quelle expérience mémorable aimeriez-vous qu’un touriste puisse vivre lors de son séjour en Centre-Val de Loire ?

J’aimerais que le visiteur arrive en train, et qu’il trouve un réseau de voitures électriques pour se déplacer dans la région. J’aimerais qu’il puisse construire ses vacances de façon écoresponsable, et vivre une expérience immersive qui allie la visite de grands sites (nos fiertés régionales) avec la découverte des petits sites. Qu’il puisse prendre la voiture, faire du vélo, faire de la randonnée. La nature est un gros atout. La Loire reste sauvage…

Tout va trop vite aujourd’hui. Alors j’aimerais qu’il puisse toucher le terroir, prendre le temps, et découvrir ce qui fait notre vie de tous les jours. Que tout soit pensé pour être facile, et que ça lui permette de prendre du temps pour l’humain et pour l’échange. Et surtout, que cela se fasse sans opposer les choses : il y a des gros sites et des petits sites, des restaurants étoilés et des auberges. C’est cette diversité qui permet de fidéliser, de donner envie à nos visiteurs de revenir.

Et surtout, il nous faut de l’humain. Il n’y a plus d’humain en gare : on nous dit qu’on pourra y mettre des tablettes tactiles pour accueillir les touristes… Mais s’il y avait 2 personnes souriantes, ce serait encore mieux ! J’ai vu cet été qu’il y avait des accueils touristiques sur les autoroutes. C’était une démarche intéressante.

Que faudrait-il améliorer pour rendre cette expérience possible ? Quel rôle pourrait jouer un écosystème d’innovation touristique pour y contribuer ?

Depuis 4 ans que je suis président de Cuisine en Loir-et-Cher, je milite pour que les institutionnels soient créateurs de lien ! Je trouve que ça manque. Il y a une chose qui me surprend en tant que professionnel : c’est qu’il puisse y avoir de la compétition entre territoires. Or, nous ne sommes en compétition qu’avec nous-mêmes, au sein de nos entreprises. Tous les jours, nous devons donner le meilleur de nous. Avant de vouloir faire de grandes choses, nous devons déjà créer du lien.

Et nous avons besoin d’apprendre à nous connaitre avec les sites… Nous réalisons qu’il y a plein de gens, même juste à côté de chez nous, qui ne nous connaissent pas. Et de manière plus générale, tout est basé sur la Loire. Mais qu’est-ce qu’il y a Vendôme ? Juste réunir tous les acteurs entre secteurs, ce serait déjà beaucoup !

Le CRT est là pour impulser une vision régionale. Les ADT et les offices de tourisme ont aussi un rôle très important à jouer pour ce maillage, car ils sont très proches de nous.

Mais il faut tout de même faire attention à rester simple et compréhensible pour les professionnels… Les équipes institutionnelles pensent des projets très intéressants. Mais il est arrivé que ces projets deviennent trop complexes pour nous… Il faut partir de la demande des professionnels, car si elle n’est pas là, ça ne sert à rien.

Il arrive également que nous soyons mobilisés sur des réflexions. Et c’est bien, car quand on fait se rencontrer les gens, il peut en sortir de belles choses. Mais parfois, nous n’avons pas de retours, ou alors pas avant 6 mois. Pour les institutions, c’est rapide, mais pour nous c’est très loin…  Or, il faut que je puisse faire passer les informations à mes confrères. C’est important de garder le lien.

De manière concrète pour l’écosystème, je vois plusieurs actions : aujourd’hui, quand on est touriste, il est difficile d’identifier un seul site Internet pour la Région Centre-Val de Loire. Il y a quelque chose à faire pour rendre l’information plus accessible, sur toutes les destinations.

Ce qui serait aussi très important, ce serait de nous apporter des idées nouvelles sur ce qui se fait ailleurs. En tant que restaurateur, j’ai l’impression que les propriétaires de châteaux ont une culture plus importante que nous : ils se nourrissent beaucoup de ce qu’ils ont vu ailleurs. Lorsque nous avons organisé des visites restauration-histoire avec le château de Montpoupon, j’ai trouvé ces rencontres très intéressantes ! D’où l’importance de réunir des univers différents, d’apporter des idées auxquelles nous n’avons jamais pensé.

Finalement, à l’issue de nos discussions, comme définiriez-vous l’innovation touristique ?

Est-ce que créer du lien, c’est de l’innovation ? Est-ce qu’en 2022, retrouver l’humain, ce n’est pas ça l’innovation ? C’est ça que les touristes cherchent aujourd’hui, avec de la transparence.

Et si nous avions une communauté touristique qui vit à travers les valeurs que nous portons ?

Contact : Sophie Martinez Almansa, Responsable Innovation, Territoires et Compétences
07 84 16 03 81 – s.martinez@centre-valdeloire.org

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